03 février 2014

Axiomatique - Greg Egan


Un cristal qui enregistre toutes nos impressions et toutes nos réactions, qui simule qui nous sommes, peut-il être celui que nous sommes ? Peut-il nous remplacer ?

Un nombre infini de tueurs marchant dans un nombre infini d'univers parallèles peut-il atteindre sa cible si certains d'entre eux font défection ? (1)
Et si on pouvait acheter ses croyances au supermarché ? Religions philosophies, systèmes de valeurs... Que vaudraient nos convictions ?
Et si un homme changeait de corps chaque matin, usurpant celui de ses voisins, que resterait-il se son identité ?
Et si nous recevions, grâce à un paradoxe quantique, le récit du futur ? A quoi serviraient les politiciens ? Vivrait-on des mariages heureux ?
Et si un virologue chrétien fondamentaliste parvenait à concevoir un virus forçant le respect de valeurs morales et ne se propageant que chez les sodomites et les adultères ?
Et si une bande de kidnappeurs réussissait à enfermer le double numérique de votre femme, un double doté des mêmes valeurs, des mêmes sentiments, des mêmes émotions… Payeriez-vous la rançon ?
Axiomatique est un recueil de dix-sept nouvelles de Greg Egan, paru aux éditions du Bélial. Dans un registre de textes plutôt brefs, Egan joue avec les identités, les corps, les croyances, les idées, remettant en question ce qui nous paraît évident ou acquis. On est là dans la science-fiction classique, héritière de l'âge d'or : les personnages ont peu d'importance, les concepts sont parfois amusants et souvent vertigineux, inspirés par la mécanique quantique ou les sciences cognitives. Egan n'écrit pas très bien, mais il est facile à lire, il joue avec nos solipsismes, avec les questions que nous pouvons nous poser sur nos propres identités. Qui sommes-nous ? De quoi sommes-nous faits ? Pouvons-nous changer ?
C'est un peu en-dessous du niveau de Ted Chiang, mais ça reste de la littérature de qualité, pleine de surprises et de vertiges.  
 (Et les amateurs noteront et se réjouiront de ce qu'Egan a écrit bien plus de nouvelles que Chiang)
Je lirai volontiers les deux autres recueils parus au Bélial. 

PS : l'ensemble est disponible en numérique dans une édition soignée. Les textes sont courts, ça se lit très bien dans le métro.

(1) ce texte-là, quasi borgésien dans ses implications, est mon préféré.

5 commentaires:

  1. Il est normal de comparer Ted Chiang et Greg Egan, car leurs thématiques se recoupent. De plus, leurs textes sont toujours très ambitieux et ils ont tous deux un coté cérébral.

    Leur différence, c'est que Chiang tend plus vers la spéculation pure alors que Egan est (plus classiquement certes) dans la spéculation scientifique.

    J'apprécie beaucoup les (trop rares) nouvelles de Ted Chiang. Cependant je préfère largement Greg Egan, parce qu'il est complètement impliqué dans les problématiques qu'il soulève sur l'identité, la nature de la réalité, les dilemmes moraux...

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  2. Pourquoi dis-tu qu'il est impliqué dans les problématiques qu'il soulève ? Parles-tu d'engagement politique ou médiatique ?

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  3. Non, à un niveau plus fondamental.

    Dans Axiomatiques, la nouvelle "En apprenant à être moi" explore la question la plus centrale chez Egan. Si nous pouvons comprendre le fonctionnement d'un cerveau humain au point de le reproduire intégralement dans quelle mesure l'identité du sujet est préservée ? La copie est-elle un double de l'original ou juste une imitation ?
    Egan explore systématiquement cette question et ses conséquences. Dans le même recueil avec "L'Enlèvement". De même dans d'autres nouvelles et romans, en particulier "La cité des permutants", "Diaspora" et "Zendegi".
    Visiblement, cette question est cruciale pour Egan. Il n'a pas de réponse définitive, en tout cas il n'en n'impose pas à son lecteur.

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  4. Je m'y remettrai peut-être à ce livre... Je crois que je ne suis pas arrivé au bout de la 1ère nouvelle tellement elle me semblait nulle...

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  5. @le lecteur : pas sûr que ce soit pour toi. C'est très intéressant, mais pas très bien écrit.

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