26 mars 2010

Muselaar et Spinetta

J'aimerais écrire un texte où je puisse placer ces deux mots, muselaar et spinetta, pour le simple bonheur de leur sonorité. Le muselaar, comme la spinetta, sont des instruments de musique de la famille du virginal, ancêtres du clavecin, utilisés notamment au XVIème siècle. Ils sont le témoignage de cette époque encore nomade : bien qu'assez volumineux, ils sont dépourvus de pied et se jouent donc posés sur une table. Leur caisse est toute décorée, peinte, la rosace est sculptée avec délicatesse, l'intérieur du rabat offre une scène mythologique : les regarder est un enchantement, les entendre en est un autre.

un muselaar


une spinetta


C'est la chance que nous avons eue, avec Cecci, en assistant il y a une semaine au récital Danse Macabre de Patrick Montan, à Romainmôtier. Malgré son titre, ce récital n'avait rien de triste : il s'agissait d'une suite de morceaux de danse, pavanes, gaillardes et courantes, composées à l'occasion du décès de personnages importants de l'Angleterre élizabethaine. La Danse Macabre a son protocole : venait en premier le Roi, puis la Reine, puis l'archevêque de Canterbury, puis les nobles messieurs et dames, en ordre d'importance décroissante, le tout se concluant par un memento mori.
Ce répertoire, peu connu je crois, est un régal à entendre. Les morceaux exécutés, de John Bull, William Byrd, Giles Farnaby, Orlando Gibbons, Jan Pieterszoon Sweelinck et Thomas Tomkins, étaient des petits bijoux de complexité, d'inventivité rythmique et mélodique. Le muselaar et la spinetta, utilisés alternativement, leurs gammes étant un peu différentes, ont un son étonnamment puissant, dont on imagine qu'il pouvait accompagner les danses de ces messieurs et dames de la cour anglaise de la Renaissance. Les morceaux eux-même ne cessent de surprendre, partant là où on ne les attend pas, stimulant avec joie l'attention de l'auditeur. Même un auditeur ignare et épuisé par une dure semaine comme je l'étais peut profiter de cette musique qui, tout en étant savante, reste tout à a fait accessible.
Je serais injuste en oubliant le talent de l'interprète, dont le toucher énergique et précis donnait à cette musique toute la vigueur qu'elle méritait.
Ce concert a été l'occasion de beaux rêves éveillés sur une de nos périodes historiques préférées, la seconde moitié du 16ème siècle, avec quelques souvenirs de notre longue campagne de Te Deum...

Ce récital sera exécuté de nouveau en Suisse, selon mes informations, peut-être à Bâle à la Totentanz Kirche. A bon entendeur !

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